Le voyage Dakar – Labé ou la bonne claque de 2023 – Part 1

Un lundi matin plein d’enthousiasme

Il est 08h 04min (le lundi 19 juin 2023), devant l’entrée de la maison de mon oncle à Guédiawaye Notaire dans la ville de Dakar au Sénégal. Accompagnée de mon cousin et compagnon de voyage, j’attends avec impatience et enthousiasme le Yango (Service de commande de véhicules avec chauffeur) que nous avons commandé pour nous rendre à Diamguene, notre point d’embarquement.
Après quelques minutes, une voiture verte arrive et se gare à la devanture de la maison, c’est notre chauffeur.
On y introduit nos bagages et après un instant d’adieux on monte enfin dans la voiture. Destination, Diamaguène.

La première surprise

Le trajet se fit vite et on arriva au point d’embarquement après une trentaine de minutes environ. On y retrouva le locataire avec lequel on était entré en contact quelques jours plutôt.
Il nous dit que la première chose à faire était de gérer nos bagages et nous montra le bus dans lequel nous nous embarquerions jusqu’à Manda.
Cette phrase fit un boom dans ma tête, j’ignorais qu’il fallait faire le trajet en deux tranches. Je demandait aussitôt à mon compagnon de voyage si c’était vrai ce que je venais d’entendre, il me le confirma. A ce qu’il paraît, les véhicules de voyages guinéens sont interdits (depuis un moment) d’accès à Dakar. Les propriétaires de ces véhicules communément appelés “locataires” louent un bus dans lequel ils transportent leurs passagers respectifs jusqu’à Manda où sont stationnés leurs véhicules pour continuer le voyage.
Je suis complètement découragée. J’envisage le pire et l’envie d’annuler le voyage me traverse l’esprit. Seulement l’idée de retrouver mes parents, mes proches et ma chère Guinée après tout ce temps l’emporte.
Pas le temps de trop cogiter, l’agitation me ramène à la réalité, il faut passer à la gestion des bagages.

Le cocktail monopole et informel de l’emballage

J’ai deux sacs en plus de mon sac à main. Mon cousin a une valise, un sac à dos et un mini sacoche où il garde les trucs indispensables à son voyage.
Il faut mettre dans des sacs de riz et rafistoler mes deux sacs et sa valise.
Un seul vieillard est chargé d’emballer tous les bagages. Il détient le monopole d’un marché complètement informel, le processus est donc lent, fatiguant et surtout très désordonné.
Le vieux facture son service selon la taille du sac qu’il emploi pour l’emballage. Mais le prix moyen est de 1100fcfa.
Les gens affluent de partout, le cohue et l’agitation me laissent dans un état de surprise totale. Personne n’attend son tour, il n’y a aucune règle, aucun ordre appliqué. Le plus bruyant est celui qui est servit en premier.
Après une bonne dizaine de minutes d’attente et d’observation, je me résous à faire comme tout le monde. Je cherche un sac de riz parmi les sacs du vieux, entassés par terre, je pars le trouver et lui dit que nous sommes là depuis un bon moment à attendre sagement sans broncher et qu’il était maintenant temps qu’il s’occupe de nous. Ce qu’il confirma. J’attendis qu’il ait finit de coudre celui qui était en cours puis je lui indiquai nos bagages en lui tendant le sac que j’avais à la main.
Il nous emballa le tout pour un montant de 2000fcfa.
Une fois terminé, il faut maintenant discuter du prix des bagages avec le locataire, le prix du trajet étant, lui, fixé à 25000fcfa/personne .
Il y a un locataire principal qui gère l’assignation des tickets aux passagers. C’est avec lui qu’il faut discuter du prix des bagages. Après une longue discussion on tombe d’accord pour 12000fcfa le tout (on a de la veine je sais).
On est bon désormais, reste plus qu’à attendre le départ du bus.

Le départ

Aux environ de 11h et demi, après une attente qui m’a parut interminable, notre bus prend enfin départ.
Nous sommes bien installés et j’en profite pour bouquiner un peu.
Tout se passe super bien jusqu’ici.
On s’arrête plusieurs fois durant le trajet. Une première fois, à une station avant la sortie de Dakar, les locataires ont l’habitude d’y prendre leur petit déjeuner. On s’arrête ensuite plus tard dans la journée pour déjeuner et prier.Un des passagers oublie son téléphone sur place. Heureusement, un gars en route pour Labé (dans un autre bus) l’a ramassé et a promis de le lui rendre une fois à manda, (lieu où sont stationnés les véhicules des locataires).Il est 20h05 min, on roule tranquillement quand soudain, mon ventre commence à gargouiller. Une diarrhée me guette, sûrement du aux frittes que j’avais mangé plutôt dans la journée. Je demande où nous somme, on me dit bientôt à Gouloumbou. De notre position à Gouloumbou, il faut environs 2 heures.Les yeux braqués sur l’horloge du bus, je marmonne les noms d’Allah pour m’aider à tenir encore 2heures. Mais à cet instant j’ignorais que dans quelques minutes (une trentaine environ) j’aurais un autre soucis plus grand que j’en oublierai ma diarrhée.

Gouloumbou, la pièce d’identité sénégalaise

Plusieurs minutes s’écoulent avec toujours la même angoisse qui me travaille, mais cette angoisse est sur le point de laisser place à d’autres sentiments.
Un des locataires se lève( durant le trajet j’ai entendu ses congénères l’appelé ‘Sagalé’ sûrement en référence à son village d’origine en Guinée), d’une voix grave et sèche il dit en pular :
“Hidden soutii Gouloumbou, kala andoudho o ala carte dentitè Sénégal, yo addou 2000fcfa. Si bhè naatii ka nder auto, mo addali wo si bhè landikai mi innay o djonnali lan. Si bhè tippini ontigui ko 3000fcfa o yobhata.”
En gros, il dit qu’on s’approche de Gouloumbou (où réside une base militaire), que celui qui n’a pas de carte d’identité sénégalaise lui donne 2000fcfa. (D’après ce que j’ai compris, si on parvient à rassembler une certaine somme, les officiers nous laisseraient passer sans vérifier le véhicule) Il rajoute que s’ils (les officiers) entrent dans le bus et qu’ils lui demandent il ne couvrirait pas ceux qui n’ont pas payés et s’ils (les officiers toujours) leurs font descendre ils devront payer 3000fcfa plutôt que 2000fcfa.
Tout le monde acquiesça, évidement , entre 2000fcfa et 3000fcfa y a tout de même le prix d’un déjeuner de différence.
Le locataire passe donc à tour de rôle dans les sièges, les passagers qui n’ont pas de pièce d’identité sénégalaise lui donnent 2000fcfa. Arrivé à moi, je lui donne également 2000fcfa, ne détenant pas de pièce d’identité sénégalaise.
Un peu plus tard, on arrive à la base de Gouloumbou. Les locataires descendent et après quelques minutes à discuter avec un officier, ce dernier monte dans le bus. Il demande à tous de mettre à découvert leurs pièces d’identités. Il passe entre les siège et récupère toutes les pièces non sénégalaises. Arrivé à mon niveau, la lumière de sa torche dans mon visage, il me réclame ma pièce d’identité que je lui tend et qu’il confisque.
Tous ceux dont les pièces ont été confisqués, doivent descendre du bus et le suivre. On descend donc. On fait un peu moins de la moitié du bus.
Il se dirige vers une construction ancienne qui sert de rassemblement aux passagers ne détenant pas de pièces d’identité sénégalaises.
Un officier s’exclame : Allez vous asseoir, ne restez pas débout! d’un ton aussi menaçant que méprisant.
Des bans sont installés sous un hangar mal éclairé. On s’y installe avec des passagers d’autres bus, entassés comme dans une boite de sardines sous une chaleur torride et des insectes avides de sang. Un officier se trouve à l’intérieur de la construction dans une pièce qui a tout l’air d’une chambre mais qui lui sert de bureau. Par le biais d’une petite fenêtre, éclairé d’une lampe torche, il appelle à tour de rôle les noms sur les pièces qui lui ont été remises sans manquer de s’interrompre pour crier aux gens d’aller s’asseoir.
C’est au tour de notre bus désormais. Le locataire qui avait encaissé notre argent arrive puis s’arrête près de la petite fenêtre pour identifier ceux qui ont payé et ceux qui ne l’ont pas fait.
A chaque fois qu’une personne est appelée par l’officier, elle se lève et se dirige vers la petite fenêtre. Si le locataire confirme qu’il a payé on lui remet sa pièce et il s’en va sinon il paye 3000fcfa pour la récupérer.
Après un bon moment à attendre, on m’appelle enfin, le temps que j’arrive, une autre dame avait déjà récupérer ma carte. Je dis à l’officier : je suis Saratou Diallo. Il me dit que ma pièce est déjà prise par la dame qui vient de passer. Je rappelle aussitôt la dame qui n’était pas très loin et lui demande de vérifier la carte qu’elle a. Effectivement, c’est la mienne; je la récupère et retourne aussitôt près du bus où je retrouve mon compagnon de voyage (Il a une pièce d’identité Sénégalaise). Il me demande combien j’ai payé, je répond d’un ton sec : juste les 2000fcfa dans le bus.
Je suis déboussolée. Je me sens humiliée et méprisée au point où j’en ai oublié ma diarrhée. Comment une chose aussi simple qui aurait pu être accompli très vite et dans un respect totale, eut prit autant de temps dans des conditions aussi médiocres que méprisantes?
J’en veux au gouvernement Guinéen, j’en veux au gouvernement Sénégalais, je m’en veux. Je suis dans tous mes états et c’est là que je décide au fond de moi que je coucherai tout ceci sur papier, que je dénoncerait ce calvaire que vivent tous ces Guinéens à chaque fois qu’ils empruntent le chemin Dakar-Labé.

Manda, une nuit chaude

Il est 22h passé, tous les passagers de notre bus ont enfin pu récupérer leurs pièces d’identité. On souffle quelques minutes avant de reprendre la route. Prochain et dernier arrêt, Manda.
Tout se passe bien. On arrive à la dernière station avant la frontière aux alentours de minuit. La frontière est fermée à cette heure, il faudra donc y passer la nuit.
Mais avant de pouvoir souffler et se reposer un peu, il faut d’abord s’occuper de ses bagages. Le bus ayant pour destination finale Manda, il faut passer au changement de véhicule et au transfert de bagages.
A l’embarquement à Dakar, chaque passager était assigné à un locataire. Il faut identifier ses bagages afin que ce dernier puisse les transférer dans son véhicule. Ce processus pris beaucoup de temps pour certain et peu de temps pour d’autres. Mon compagnon identifia nos bagages et le locataire les transféra aussitôt dans son véhicule.
La station est bien éclairée, il y a de l’eau, des toilettes et des nattes pour prier et se reposer. Des femmes vendeuses d’eau sont un peu partout. J’achète une bouteille d’1l à 100fcfa je fais mes ablutions puis je pris.
On est très content de pouvoir souffler et se reposer jusqu’au petit matin.
Sauf que tout ne se passe pas exactement ainsi. Manda est certainement l’une des régions les plus chaudes du Sénégal et durant le mois de Juin; les premières gouttes de pluies sont à peine tombées. Il fait extrêmement chaud et les insectes ont choisis de se faire un show sous les lumières de la station.
Avec une telle chaleur, les insectes qui se font un show et la station qui est bondée, pas évident de fermer l’œil.
La plupart des passagers ne parvinrent pas à dormir. D’autres parvinrent quand même à piquer un petit sommeil mais ils étaient aussitôt réveillé par une piqûre d’insecte. Quant à moi je passe la nuit à faire des aller-retours entre la pompe et le magasin de la station qui est fermé à cette heure.
La nuit se déroula ainsi jusqu’au petit matin.

Découvrez La suite dans la deuxième partie.